Le recteur d'un grand séminaire au Nigeria revient sur 25 ans d'un parcours « marqué par la souffrance »

Kaduna, 26 juin, 2025 / 10:58 PM

Le parcours de 25 ans du Grand Séminaire du Bon Pasteur dans l'archidiocèse catholique de Kaduna, au Nigeria, a été marqué par des défis et des opportunités, a déclaré le recteur.

Dans une interview accordée à ACI Afrique le mardi 24 juin, à la veille de la célébration du jubilé d'argent du séminaire le jeudi 26 juin, le père Joel Haruna Usman a livré un récit personnel et historique des défis et des triomphes que le Grand Séminaire a connus au fil des ans.

« Ce séminaire a été mis à l'épreuve par le feu. Notre parcours a été marqué par la souffrance », a déclaré le père Usman.

Il a ajouté : « Le 8 janvier 2020, notre séminaire a été attaqué par des terroristes armés. Quatre séminaristes ont été enlevés lors d'un incident qui a plongé notre communauté dans la peur et le chagrin. Trois d'entre eux ont finalement été libérés. »

« L'un d'eux, Michael Ekechukwu Nnadi, un séminariste de 19 ans du diocèse de Sokoto, a été tué pour sa foi et sa bonté. La vie et la mort de Michael ont été un puissant témoignage de courage face au mal. Aujourd'hui, son corps repose dans l'enceinte de notre séminaire », a déclaré le père Usman.

Il a poursuivi : « Sa tombe est un rappel sacré du prix à payer pour être disciple et du type de prêtres que nous devons continuer à former : non pas des hommes à l'aise, mais des hommes de conviction, des bergers qui ne fuiront pas face au danger. »

Concernant l'impact psychologique de la présence de la tombe de Michael Nnadi à l'entrée du séminaire, le père Usman a proposé une réflexion théologique profonde.

« Je crois que Michael veille sur le séminaire et prie pour nous. Il est mort en tant que témoin de la foi. Nous attendons avec impatience de le voir récompensé en tant que martyr. Il est mort pour avoir prêché à ses ravisseurs », a déclaré le recteur à ACI Afrique.

Il a ajouté : « Entrer dans ce séminaire signifie accepter l'appel à être courageux, même jusqu'à la mort. Sa tombe n'est pas une source de traumatisme, mais un rappel que nous sommes formés pour être des témoins. »

« Nos séminaristes ne sont pas laissés seuls pour porter ce fardeau. Nous avons des psychologues et des psychothérapeutes qui travaillent en étroite collaboration avec eux. Le directeur de la retraite est lui-même un psychothérapeute qualifié, et il a profité de cette occasion pour préparer les diacres spirituellement et émotionnellement à ce qui les attend. Nous leur inculquons l'idée que le sacerdoce n'est pas une vie de confort. C'est une vie de sacrifice. Et avec la foi, ils l'acceptent », a expliqué le père Usman.

Le père Usman a parlé avec fierté de la mission du séminaire et de ce qu'il représente dans le contexte plus large de l'Église et de la société nigériane.

« Nous sommes les co-constructeurs du Royaume de Dieu ici sur terre. Ce séminaire est au service de l'Église et de notre nation, le Nigeria, et par extension, du monde entier », a-t-il déclaré, ajoutant : « Le Grand Séminaire du Bon Pasteur de Kaduna n'est pas seulement un lieu de formation sacerdotale, c'est aussi un phare d'espoir dans une région en proie à l'insécurité, aux difficultés économiques et aux troubles sociaux. »

Le père Usman a ajouté : « Nous défendons la paix, la vérité, la discipline et le dialogue. Nous formons des prêtres enracinés dans l'intégrité, la prière et l'amour. Ce sont ces leaders qui apporteront guérison et réconciliation à un monde blessé. Ce faisant, nous enrichissons la vie morale et spirituelle du Nigeria. »

À la suite de l'attaque de 2020, d'importantes mesures de sécurité ont été mises en place au séminaire.

« Au moment de l'attaque, le périmètre du séminaire n'était pas bien défini. Depuis lors, nous avons pris des mesures importantes. Nous avons élevé le mur à une hauteur sécurisée et, surtout, le gouvernement a réagi positivement en stationnant des militaires au séminaire. Aujourd'hui, nous avons des forces armées sur place 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, soutenues par la Force opérationnelle interarmées (JTF) pendant la nuit. Ces mesures nous ont permis de retrouver le sommeil », a expliqué le père Usman.

Le père Usman a également évoqué les défis infrastructurels du séminaire, exhortant le gouvernement et les autres parties prenantes à apporter leur aide.

« Je vous invite à venir voir par vous-mêmes notre terrain. Il n'y a pas de système de drainage adéquat et les routes sont en mauvais état. En cas d'urgence nocturne, le personnel de sécurité aurait du mal à se déplacer dans l'enceinte. Ce partenariat avec les médias peut aider à informer le gouvernement et les partenaires de développement de notre réalité », a-t-il déclaré.

Dans l'interview accordée à ACI Afrique le 24 juin, le père Usman a réfléchi à la question de l'insécurité dans l'État de Kaduna en particulier et au Nigeria en général.

« La responsabilité première du gouvernement est de protéger les vies et les biens. Je félicite le gouverneur Uba Sani d'avoir maintenu une paix et un calme relatifs à Kaduna, mais le gouvernement ne doit pas attendre qu'une tragédie se produise », a-t-il déclaré.

Le prêtre catholique nigérian a ajouté : « L'attaque de 2020 s'est produite avant que les forces de sécurité aient pu réagir. Nous disposons de la technologie, des drones, des moyens de surveillance, mais ils doivent être utilisés activement. »

Le responsable catholique a exprimé son inquiétude face à la fragmentation de l'identité nationale au Nigeria, déclarant : « Il ne devrait pas être question du Nord, du Sud, de l'Est ou de l'Ouest. Il s'agit du Nigeria. Nous avons besoin de dirigeants nationalistes. L'insécurité paralyse l'économie et fait reculer le pays. »

Il a appelé les chefs religieux et communautaires à prendre en main la réorientation des valeurs de la nation.

« Les imams, les prêtres, les anciens ont un rôle énorme à jouer pour rassembler notre peuple. Si nous ne le faisons pas, nous ne faisons que préparer les générations futures à davantage de difficultés », a déclaré le père Usman à ACI Afrique.